L’avenir des grandes peurs écologiques : pesticides, alimentation, nucléaire

Pour la vidéo :

https://www.xerficanal.com/strategie-management/emission/Dominique-Turcq-L-avenir-des-grandes-peurs-ecologiques-pesticides-alimentation-nucleaire_3750804.html

Et le texte de la chronique :

En 1962, Rachel Carson lançait une grande bataille contre le DTT et ses ravages écologiques et sanitaires. Il sera seulement interdit au début de la décennie suivante. La bataille continue, avec des connaissances scientifiques nettement plus élaborées. On ne peut que s’en réjouir pour la santé de nos descendants et de la planète. Ainsi l’Europe vient-elle de lancer un programme massif d’interdiction de substances chimiques toxiques pour la santé et l’environnement.

Mais attention à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain.

Les produits agricoles, boostés ou modifiés ont répondu d’abord à des besoins accrus — de quantités de production, de différentiation de la qualité, et de productivité — liés à un accroissement considérable de la population mondiale au 20e siècle.  Il n’est pas question de revenir à l’agriculture du 19e.

La crise alimentaire déclenchée par la guerre en Ukraine, conduit à faire un parallèle, en prospective stratégique, entre le nucléaire, soudain devenu aujourd’hui plus acceptable, et la façon dont la relation à l’alimentaire pourrait évoluer au cours des deux prochaines décennies : les OGM animaux ou végétaux, l’utilisation, contrôlée, des produits phytosanitaires vont devenir socialement plus acceptables.

Le nucléaire peut être vu comme un précédent 

Le cas du nucléaire et de la raréfaction des autres sources d’énergie face à une transition énergétique urgente est simple : le prix de l’énergie augmente, la dangerosité se comprend mieux et se maitrise mieux, le nucléaire redevient acceptable.

Les peurs face au nucléaire sont venues d’abord de la proximité du concept d’énergie « nucléaire » avec son cousin militaire. Puis de la réalité des dangers par suite d’accidents comme Fukushima. Aujourd’hui on voit que les technologies de sécurité ont progressé et que finalement le nucléaire tue moins de monde que les mines de charbon ou la pollution de l’air et que son usage tuera moins que le réchauffement de la planète en cours. 

Les mêmes facteurs sont à l’œuvre dans l’alimentaire. Les prix augmentent, il faut produire en quantités importantes pour nourrir une population mondiale en croissance. L’acceptabilité des aliments modifiés ou boostés va augmenter. 

La modification génétique et l’utilisation de produits phytosanitaires sont aussi vieilles que l’agriculture, qu’il s’agisse de croiser les espèces, de les sélectionner, de les greffer ou de les booster, voire de créer des espèces totalement nouvelles.

Des peurs sont nées de cette agriculture technicisée. Peur des impacts négatifs, comme avec le DTT et le glyphosate ; peur des conséquences des modifications génétiques, etc. Comme pour le nucléaire, les peurs vont évoluer. Les produits vont devenir plus acceptables car ils seront reconnus comme une solution nécessaire pour nourrir le monde. Et, comme pour le nucléaire, de meilleures explications scientifiques et de meilleurs contrôles vont modifier les représentations.

Des nouveaux enjeux stratégiques vont en découler 

Cette évolution va poser plusieurs questions aux politiques, aux économistes, à la société. Soulevons-en trois : 

Tout d’abord, économiquement, la segmentation des consommateurs en fonction de l’alimentation va évoluer vers une alimentation à trois vitesses. Les bobos à une extrémité, riches et exigeants. Les défavorisés, à l’autre, acceptant une nourriture plus « industrielle », et au milieu, une classe moyenne alimentaire qui jouera entre les catégories d’aliments.

Ensuite, scientifiquement et politiquement, il faudra donner plus de poids aux scientifiques et à leurs analyses (un peu à la façon du GIEC en CO2), et donner plus de poids au principe de précaution afin de préserver la santé et la confiance.

Enfin, l’acceptabilité des produits dépendra de leur image. Le rôle de l’information sera considérable, le risque des fake news et des théories du complot sera majeur ; de multiples lobbys seront aussi à l’œuvre comme pour le tabac, le DTT ou le glyphosate. Des contrôles étatiques ou privés deviendront essentiels.

Pour les entreprises, la confiance qu’on leur accordera va devenir un facteur encore plus concurrentiel qu’aujourd’hui. 

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  1. Dominique Turcq 11 juillet 2022

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