Nous sommes entrés dans une « société de proximités ». De multiples rapprochements changent profondément notre relation aux autres et nous devons protéger nos distances. Les entreprises en sont un acteur encore inconscient.
Une société de proximités est née
Les techniques de communication, l’évolution sociale, la conscience écologique et les progrès scientifiques nous ont rendus plus proches les uns des autres, de la terre, de notre corps, de notre santé. Nous redécouvrons la puissance du local avec les commerçants et les producteurs de notre région.
Ces évolutions semblent nous offrir de nouvelles opportunités, nous promettre de nous « reconnecter » : aux autres, au monde, à nous-mêmes, au savoir, à la pleine conscience, à la cuisine, au bio, au voisinage, au partage et à la solidarité, à la politique, etc. En ce sens cette société de proximités semble répondre à une attente, imprécise mais profonde, de retrouver du sens dans notre vie.
Pourtant les proximités finissent quelquefois par nous envahir, par nous peser quand nous avons du mal à gérer leur omniprésence dans nos vies et la pression qu’elles représentent sur nos agendas. La face sombre des proximités, les illusions qu’elles transportent, est sans doute plus vaste que ne le laisse penser une idéologie dominante où être en interactions permanente, avoir beaucoup d’amis, être en mode « collaboratif » continu serait un idéal.
L’irrésistible ambigüité du management
Les proximités privées et professionnelles se recouvrent partiellement sur des médias sociaux comme Facebook, Instagram, WhatsApp ou Twitter. Nous ne savons pas encore bien comment les séparer, ni même si nous devrions y songer. Le télétravail, les nouvelles formes de mobilité, les nouveaux arrangements des bureaux bouleversent nos proximités anciennes au travail. L’entreprise (et par extension le monde du travail) devient ainsi un acteur important et complexe de nos proximités. Elle s’insinue dans nos vies privées par ses mails à toute heure, nous pousse à travailler de façon collaborative, nous impose parfois des locaux à fortes proximités physiques. A d’autres moments au contraire elle retire une proximité physique que l’on appréciait avec notre bureau traditionnel, certains collègues. Cela peut parfois générer l’impression d’être dépossédés d’une part de notre humanité même si, parfois aussi et de façon totalement opposée, naissent de nouveaux liens, plus créatifs. Ces ambiguïtés et ces changements de repères sont sources de sentiments eux-mêmes ambigus entre plaisirs et angoisses.
L’identité et le travail
Les liens de proximités sont des éléments identitaires : nous existons à travers la somme de nos proximités. En devenant un cadre d’importance croissante où se jouent au quotidien des enjeux d’identités, l’entreprise se confronte à la définition même du management. Celui-ci pourrait bientôt s’analyser comme la qualité à gérer des proximités, les siennes et celles avec ses collaborateurs. Les proximités bouleversent aussi la notion de hiérarchie, le manager devant réapprendre à être proche de ses équipes, d’une façon nouvelle qu’il ne connait pas encore.
Nous allons tous devoir réapprendre à gérer nos distances et nos proximités, cette compétence fera partie de la valorisation et de l’équilibre de notre capital humain.
Bravo pour l’analyse et les recommandations. Ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain mais recycler l’eau du bain on comprend le conseil de l’auteur