KPIs : MALENTENDUS & IMPOSTURE

QUELS NOUVEAUX INDICATEURS POUR LES DIRIGEANTS ?

Christophe Gillet

Notre logique cartésienne (Merci René !) nous incite à ne mesurer que ce qui est mesurable.  Cela vous semble sans doute logique ?   Mais alors, quand nous parlons d’humains et de développement, faut-il mieux être médiocre & mesurable que brillant & immensurable pour complaire à son organisation ?   That is the question !

Le KPI ‘traditionnel’, fossile du Taylorien supérieur (Période de l’Anthropocène Autodestructeur)

Si nous envisageons, comme Frederik Winslow Taylor, notre organisation comme un moteur à explosion où tout le monde a un rôle spécifique à jouer dans un monde stable (Tu es la bielle, je suis le piston…), il est sans doute en effet judicieux – et utile – de mesurer l’efficacité de notre action en termes d’indicateurs orientés production et/ou finance.

Et si l’on considère que l’homme ne fonctionne qu’à la carotte et qu’au bâton (une autre vision du monde du même Frederik Winslow), alors associons à ces mesures de performance une récompense – le fameux Bonus – ou une punition – la honte d’être le dernier vendeur de la boite par exemple.  

Tout ceci semble faire sens.  Sauf que …

Le KPI traditionnel : Une métrique de la (mal)chance ?

. Sauf que dans un monde incertain, instable et complexe, le facteur chance dans l’atteinte des objectifs individuels classiques est essentiel, voire primordial.  Faut-il continuer à récompenser le commercial ‘star’ qui par chance (un nouveau client imprévu sur son territoire commercial, un événement positif inattendu…) a atteint son budget et à punir celui qui, échouant à ce faire, ne dort plus de la nuit et travaille deux fois plus pour compenser ?  

Faut-il de même encenser le dirigeant qui arrive juste ‘au bon moment’ pour récolter les fruits du travail de ses prédécesseurs ? 

En clair : Jusqu’où peut-on corréler ‘performance opérationnelle et économique’ et action du dirigeant ?

. Sauf que l’homme est par nature un système complexe, agissant dans un autre système complexe (son organisation) au service d’un troisième système complexe (son marché), et qu’une bonne partie de ses comportements, non mesurables donc non mesurés, sont à la source de la performance.

. Sauf que dans ce monde imprévisible la gestion de l’exception, voire de la crise, devient une des activités principales des leaders et qu’il serait peut-être judicieux de commencer à  mesurer l’initiative, la collaboration, la capacité à innover, la capacité à engager … 

. Sauf que, comme l’écrit Charles de Gaulle[i], le caractère et l’intuition sont sans doute les meilleurs garants de l’avenir …  

… et la liste est longue …

Le KPI – vert, orange, rouge –  n’est pas fait pour être vert

Ajoutons à cela la conséquence d’un système normatif …  

Quand les Japonais associent les mesures de performance tayloriennes à un jeu de couleurs (vert-orange-rouge) pour visualiser la situation globale, ils ne le font pas dans l’optique d’un système de récompense/punition mais dans le but de détecter, en poussant le système au maximum, les limites de ce système.  Ce faisant, ils formalisent l’entreprise apprenante, qui identifie en permanence ses limites avant de les pallier.

Soyons plus clairs : Des KPIs presque exclusivement au vert sont le signe d’une imposture institutionnelle.  Ils ont été conçus pour être verts, et ceci dans le but de sécuriser notre carotte annuelle (d’où les discussions surréalistes en période de budget).
Alors qu’à l’origine ils visaient l’accompagnement du développement des organisations et des dirigeants, ils ont été allègrement dévoyés… 

La Réforme est urgente !

Entendons-nous.  Les indicateurs de performance sont utiles.  C’est le lien créé entre l’indicateur et la récompense/punition qui implique l’imposture.  Les systèmes normatifs, comme l’entreprise taylorienne, représentent un excellent terreau pour l’imposture (R. Gori / La fabrique des imposteurs).

Est-ce le rôle du dirigeant de contribuer à faire prospérer un système motivationnel dévoyé, antédiluvien et de promouvoir l’imposture institutionnalisée ? 

Quels indicateurs pour nos dirigeants et leur développement à l’avenir ?

Les pistes sont nombreuses pour pallier la situation décrite ci-dessus :

. Évaluer l’effort (concret) plutôt/autant que le résultat (aléatoire)

. Évaluer « le caractère et l’intuition » garants d’avenir 
  plutôt/autant que « le CV et le parcours » indicateurs du passé

. Évaluer la gestion de l’incertitude plutôt/autant que le suivi paramétrique des opérations

. Évaluer le comportement (comment) plutôt/autant que l’action (quoi)

On pourra alors monter d’un cran :

. Évaluer « le système humanitaire[ii]» de l’entreprise plutôt/autant que «le système financier»

. Évaluer la contribution globale de l’entreprise (L’entreprise civilisationnelle[iii]
  plutôt/autant que sa santé individuelle

. Évaluer la divergence salvatrice (la «dissonance») vs les idées convenues

Parlons-en !

Cet article, rédigé en Calibri(body) 12 contient 4.849 signes dont 743 espaces, soit une augmentation respectivement de 12,73% et 9,98 par rapport à l’article précédent.  Il a été écrit en 47,3 minutes (-4,76%), à une altitude de 784m (+123,12%) à Troistorrents (CH), révisé 3 fois et relu par 2 copyrighters. 

Mais est-il bon pour autant ?

Xtof GILLET – Collectif Antirouille


[i] Charles de Gaulle / Le fil de l ‘épée

[ii] Guila Clara Kessous / Renforcer le système humanitaire de l’entreprise

[iii] Serge Airaudi / L’Entreprise civilisationnelle

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