Le digital est le nouveau normal, ce n’est plus un élément distinctif pour une entreprise que d’avoir fait sa « transformation digitale » (quel que soit le sens que l’on donne à ce mot valise). Si elle arrête là sa conception du progrès, on ne la verra plus longtemps. Pour survivre et prospérer elle doit clarifier trois stratégies : gérer le nouveau normal digital ; se préparer au même phénomène, rapidement, avec l’Intelligence Artificielle (IA) ; préparer le coup d’après.
Gérer le nouveau normal digital
Quand le digital est partout, a tout envahi, il n’est un avantage compétitif qu’à la marge, sur tel ou tel processus client ou interne, sur quelques éléments de marketing, et n’est durable en aucun cas.
Par contre les erreurs du digital doivent être relevées : ces processus qui ont été trop ou mal digitalisé, ces opportunités de contacts clients, si cruciaux, qui ont été perdues, etc. L’organisation doit devenir digital-réaliste, éviter les excès et les modes, voire dé-digitaliser quand c’est nécessaire.
Il en sera bientôt de même de l’IA, s’y préparer
L’IA est la nouvelle coqueluche de la stratégie et de l’organisation, elle arrive partout. Là où le digital réduisait les couts de transaction, elle réduit les couts d’analyse, de prévision ou d’estimation. Elle reconnaît des visages, trie des textes, analyse des radiographies, traduit des textes, etc. Mais elle se banalise vite et, comme le digital, son utilisation ne sera plus un élément distinctif, à la façon dont la reconnaissance vocale sur un Androïd ou un IOS ou sur des enceintes connectées ne se distingue guère d’une marque à l’autre. Elle conduira aussi à des excès, comme avec le digital, et il faudra, elle aussi, la gérer.
S’intéresser au coup d’après
Alors, comment être différent et plus compétitif demain ?
Il va falloir comprendre, puis appliquer, les implications de nouvelles technologies comme celles issues des neurosciences, de la biologie. Il va aussi falloir comprendre, puis appliquer, les implications des nouvelles tendances sociétales.
Il va falloir notamment imaginer l’extrême personnalisation qui arrive avec ces technologies, leur impact sur le recrutement, la formation, la prise de décision. Il va falloir savoir analyser les nouvelles demandes des employés et de la société quant au travail, aux produits. Il va falloir inventer la nouvelle RSE qui va inclure de façon croissante la responsabilité de l’entreprise quant à sa mission, quant à l’environnement.
Cela impliquera de réinventer vraiment et concrètement la mission de l’entreprise. De façon sincère et profonde, pas en bullshitant comme on le fit si souvent avec les « valeurs » de l’entreprise. Le dégagisme qui s ‘est exercé en politique s’exercera aussi dans les entreprises comme le souligne le dernier rapport de l’Institut de l’Entreprise.
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Pour s’y préparer, il va falloir travailler ensemble, à l’intérieur notamment entre DRH, stratégie, marketing, et, à l’extérieur, avec des sociologues, des anthropologues, des philosophes, des scientifiques.
Dominique Turcq est l’auteur de « Le travail à l’ère Post Digitale », Dunod, 2019 où il traite en détails de ces sujets.
Cet article est publié simultanément dans la revue RH&M